GENEVE - Le pharmaco-chimiste suisse Albert Hofmann est décédé mardi d'une crise cardiaque à son domicile de Burg, dans le canton de Bâle-Campagne, à l'âge de 102 ans. C'est lui qui avait isolé en 1938 la substance désignée par la suite sous le nom de LSD, puis découvert par accident ses effets hallucinogènes. Le LSD a été une drogue-culte de la "génération hippie" aux Etats-Unis.
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Né en 1906 à Baden, Hofmann a travaillé dès 1929 et pendant plus de 40 ans pour les laboratoires du groupe pharmaceutique bâlois Sandoz. C'est là qu'il a isolé le diéthylamide de l'acide lysergique, un alcaloïde dérivé de composés de l'ergot du seigle. L'ergot du seigle, un champignon, était déjà connu depuis très longtemps pour ses effets neurologiques et psychotropes, provoquant notamment "la danse de Saint-Guy". Ses composés étaient l'objet de recherches chez Sandoz et les chimistes escomptaient en tirer des substances utilisables médicalement, notamment en psychiatrie.
En 1943, Hoffmann découvrit les propriété du LSD après en avoir laissé tomber par inadvertance quelques gouttes sur un doigt. Le pharmaco-chimiste a raconté par la suite qu'il avait dû regagner rapidement son domicile, pris qu'il était de vertiges et de sensations bizarres. "Tout ce que je voyais apparaissait comme dans un miroir déformant", avait-il confié.
Arrivé chez lui, il se mit à avoir des "visions". Au cours d'une émission télévisée réalisée pour son 100e anniversaire, Hofmann a raconté que "tout ce qu'il pensait lui paraissait alors en couleur et en images". Les visions durèrent plusieurs heures avant de s'estomper.
Trois jours plus tard, Hofmann testa une nouvelle fois sous surveillance les effets de la substance mais avec un plus forte dose. Ce fut alors un "voyage" vers l'angoisse "dans un monde différent, avec un temps différent".
Hofmann et ses collègues estimèrent par la suite que l'utilisation du LSD 25 pourrait être utile en recherche neurologique et psychiatrique, notamment dans les traitements de la schizophrénie.
Sandoz commercialisa le LSD 25 sous le nom de Delysid. La substance était extrêmement puissante puisque quelques dizaines de microgrammes suffisaient pour un "voyage" d'une douzaine d'heures. Hofmann mit par ailleurs en évidence le fait que le LSD était proche, chimiquement, de certains champignons et herbes psychotropes utilisés lors de cérémonies religieuses d'Indiens mexicains.
Au cours des années 50, le LSD devint une drogue-culte, notamment sous l'influence d'un professeur de Harvard, Timothy Leary, devenu "gourou" des substances dites "psychédéliques". Mais les effets délétères de la drogue (suicides, meurtres commis sous son influence de la drogue) amenèrent le gouvernement américain à l'interdire en 1966, suivi par d'autres gouvernements.
Hofmann, pour sa part, s'est toujours défendu d'avoir voulu mettre à disposition une drogue mais bien un médicament et il demandait que son usage soit autorisé pour la recherche médicale. Il estimait, après en avoir utilisé à plusieurs reprises, qu'elle peut "ouvrir les yeux" mais qu'il existe d'autres moyens pour ce faire, notamment la méditation, la danse, la musique ou le jeûne. Il admettait que la drogue pouvait être dangereuse et s'en expliqua dans un livre.
C'est en 1971 qu'Hofmann, père de quatre enfant, prit sa retraite, s'intéressant tout particulièrement aux questions religieuses et philosophiques. AP
http://fr.news.yahoo.com/ap/20080430/twl-suisse-lsd-hofmann-deces-0ef7422.html