Le procureur de la Cour pénale internationale de La Haye a inculpé le président soudanais Omar Hassan Bachir de génocide au Darfour et requis de la CPI un mandat d'arrêt international à son encontre ainsi que le gel et la saisie de ses biens.
Troisième chef d'Etat en exercice à être poursuivi par la justice pénale internationale après le Yougoslave Slobodan Milosevic et le Libérien Charles Taylor, Bachir s'est aussi rendu coupable de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité a estimé le procureur Luis Moreno-Ocampo.
Selon ce dernier, les "forces et des agents" aux ordres de Bachir ont tué au moins 35.000 civils et causé la "mort lente" de 80.000 à 265.000 autres personnes déplacées par les combats qui ensanglantent la province occidentale soudanaise depuis 2003.
"Bachir a commis, à travers d'autres personnes, un génocide contre les ethnies Four, Massalit et Zaghawa au Darfour, en utilisant l'appareil d'Etat, les forces armées et les milices djandjaouids", déclare l'acte d'inculpation du magistrat argentin.
Il relève en outre contre le président soudanais des crimes contre l'humanité et crimes de guerre - meurtres, extermination, déportation de 2,9 millions de civils, tortures et viols.
A Khartoum, le gouvernement a rejeté la compétence de la CPI. "Nous ne reconnaissons nullement ce qui vient de la CPI, qui n'a pas d'existence à nos yeux", a déclaré à Reuters un porte-parole du ministère des Affaires étrangères.
Mais il a affirmé que le gouvernement de Khartoum restait résolu à poursuivre le processus de paix et à protéger les milliers de militaires de l'Union africaine et des Nations unies déployés dans la province en guerre.
PAS DE MANDAT D'ARRÊT AVANT DES SEMAINES
Néanmoins, l'affaire pourrait entraver la fin du déploiement de la force conjointe UA-Onu, dont des milliers d'hommes ne sont pas encore à pied d'oeuvre. Le ministre de la Justice soudanais Abdel Bassit Sabderat avait déclaré dimanche que l'inculpation de Bachir "pourrait bien tuer le dernier espoir d'un règlement pacifique".
Les organisations humanitaires qui travaillent au Darfour ont renforcé ces jours derniers leurs mesures de sécurité en prévision de l'inculpation - attendue - de Bachir, susceptible d'enhardir les rebelles darfouris et de mettre en rage les forces gouvernementales.
Créée en 2002, la CPI, premier tribunal pénal international permanent, est également saisie des crimes de guerre commis au Darfour, en Ouganda, en Centrafrique et en République démocratique du Congo. Mais elle ne dispose d'aucune instrument de coercition pour faire appliquer ses décisions.
Concernant le Darfour, ou la guerre aurait fait selon les experts quelque 200.000 morts depuis cinq ans - seulement 10.000 selon Khartoum -, la CPI a déjà lancé deux mandats d'arrêt contre un ministre soudanais, Ahmed Haroune, et un chef de milice armée arabe, Ali Kouchaïb.
Les juges de la CPI vont probablement se donner plusieurs semaines, voire quelques mois, avant de lancer un mandat d'arrêt international contre Bachir, puis les alliés du Soudan aux Nations unies tenteront vraisemblablement de le faire suspendre.
Le Soudan compte sur le soutien de la Chine et sur la Russie au Conseil de sécurité pour bloquer toute tentative d'arrestation de son président. Pékin est le principal pourvoyeur d'armes du régime islamiste de Bachir, au pouvoir depuis 1989.
Les ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe tiendront samedi prochain au Caire, siège de l'organisation, une réunion extraordinaire pour débattre des poursuites engagées par la CPI contre le président d'un de ses 22 pays membres
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